Saint-Sauveur, un projet délirant
Presse
Le 6 avril dernier, lors du Conseil Municipal de Lille, j’ai voulu rappelé les inepties de l’opération immobilière démesurée de la friche Saint-Sauveur située au cœur de Lille. Hélas, Madame Aubry « n’a pas pu retenir mon intervention ». « Simple oubli », dira-t-elle. Dont acte. En Voici la synthèse.
En préambule, je voudrais rappeler que, depuis ma première intervention sur le projet Saint-Sauveur en octobre 2017, au sein de ce même Conseil Municipal, l’unité de la majorité autour de Saint-Sauveur est devenue une fiction.
Saint-Sauveur, un chantier aux conséquences irresponsables
Quelques chiffres suffisent pour comprendre les dangers d’un projet aux conséquences irréversibles :
1/ Un chantier qui durera au moins 13 années. 13 ans de pollution supplémentaire dans la ville qui arrive en seconde position des villes françaises les plus polluées,
2/ Des centaines de trajets de camions chaque semaine,
3/ Des impacts, non encore mesurables aujourd’hui, sur la santé des enfants des quartiers alentours (Mairie, Moulins, Lille-Fives…),
4/ Des dégradations sonores et visuelles durant de longues périodes,
5/ La fragilisation des commerces de Centre-ville déjà durement touchés par le Nouveau Plan de Circulation Lillois avec l’ouverture de 30 000 m² de nouvelles surfaces commerciales prévus dans le projet Saint-Sauveur.
6/ Et, véritable inversion des valeurs, une diminution de l’espace vert par habitant à Lille… Aujourd’hui, la ville de Lille compte moins de 14 m² d’espaces verts publics par habitant, cimetières compris. L’un des plus faibles en France.
Sur la base de 7 000 futurs occupants dans les 2 400 logements sur ce site, le programme immobilier Saint-Sauveur devrait prévoir la création de 10 hectares d’espaces verts sur les 23 hectares (dont 2 hectares seront consacrés à la piscine olympique) pour ne pas accroitre la part du béton par habitant à Lille. Or seuls 1,5 hectares sont prévus dans le projet. Cela démontre la parfaite hypocrisie de la Mairie de Lille qui, tout en voulant concourir au label « capitale verte européenne », détruit de l’espaces verts publics par habitants…
Saint-Sauveur, un programme à la densité de population délirante
Sur la base du programme actuel -hors piscine-, 7 000 habitants s’étaleront sur 21 hectares (0,21 km²) soit une densité de population de 33 300 habitants au km². C’est une folie totale !
En effet, si cette densité était appliquée à la totalité de Lille, villes associées inclues de Lomme et d’Hellemmes, soit 34,51 km², la ville compterait : 33 300 x 34,51 = 1 150 000 habitants. Ce serait l’enfer total. Un véritable HONG-KONG sur Deûle !
Je rappelle qu’il y a exactement 10 ans Madame Aubry déclarait à la Voix du Nord
« Il faut viser 50 à 60 logements à l’hectare, contre 33 actuellement ».
Dans le projet Saint-Sauveur et sur la base des engagements de Madame Aubry, c’est 1150 logements théoriquement qui auraient dû être construits. Or ici, c’est
2 400 logements que sortiront de terre.
Cette démesure explique la durée prévue de ce chantier : plus de 13 ans. Comme la norme moyenne de construction par an est de 200 logements, ça colle !
Les riverains vont donc souffrir -jusque 2030 au moins- d’un bruit infernal, de bouchons permanents et de la poussière asphyxiante s’échappant des poids lourds de chantier.
Comme le dit Shakespeare : « L’enfer est vide, tous les démons sont ici ». Je suis tenté d’ajouter que ces démons sont ici, pour faire des affaires.
Saint-Sauveur, une « co-production » des gauches lilloises et des coteries du BTP
Lors de mon intervention prévue mais « oubliée », je souhaitais évoquer avec Madame Daleux, élue écologiste, le rapport Meadows. Ce rapport du Club de Rome publié dans les années 70 et qui prévoyait des scénarios alarmants sur les conséquences d’une croissance laissée aux mains des irresponsables.
Les conclusions de ce rapport se vérifient à chaque nouvelle actualisation des données, inexorablement, d’année en année. Il y a donc urgence à penser la ville de demain, urgence à surseoir le projet Saint-Sauveur et prendre le temps d’en étudier au peu plus près les conséquences économiques, écologiques et sanitaires.
Qu’est-ce Madame Aubry et la MEL ont à gagner dans cette densification outrancière et cette pollution savamment organisée ?
Madame Aubry, en votant un tel projet, est-il encore utile de vous déguiser en parangon de l’écologie ? A quoi rime de vouloir faire de Lille la capitale verte européenne en 2021 ?
La majorité socialiste communique sur « Le Green, c’est In ». Les Lillois doivent comprendre qu’ici, le « Green », c’est du béton. Un tel décalage entre la réalité et le discours peut-il encore nous surprendre ? Non.
On a déjà vu un producteur d’émissions de télévision financé par le plus grand pollueur Français, Rhône-Poulenc, devenir Ministre de l’Ecologie… Il y avait aussi, parmi ses sponsors « Les Autoroutes du Sud de la France ». On a découvert depuis que Nicolas Hulot avait une passion pour l’automobile et le moteur à explosion. L’hypocrisie est un chemin très sûr pour s’enrichir.
Evidemment, les empires du béton comme Vinci, Bouygues et autres Eiffage… participent de cette politique. Sans oublier la férocité architecturale qui dessine l’avenir de nos cités en produisant des « signes et des gestes » dont l’anonymat et le déracinement rivalisent d’absurdité par l’absence de toute créativité, de toute singularité et de toute identité.
« Les pays sont des hôtels » selon un ex-conseiller bien connu de François Mitterrand. On y descend pour y faire des affaires, serai-je tenté d’ajouter. Pour Martine Aubry, Lille est un gigantesque terrain d’enjeux commerciaux et immobiliers qu’elle sait masquer habilement avec ses grands raouts culturels qui rythment la vie lilloise.
Au lieu de spéculer avec ses amis, Martine Aubry devrait plutôt s’occuper du quotidien des Lillois qui n’est pas brillant. Insécurité, saleté, trafic de drogues, chômage, bouchons incessants et pollution…
Saint-Sauveur, une enquête publique bâclée
Saint-Sauveur fait l’objet d’une « drôle » d’enquête publique et ce jusqu’au 20 avril 2018. La loi oblige la collectivité locale à informer et recueillir l’avis des habitants et des publics sur le projet Saint-Sauveur. Les conditions de mise en œuvre de cette « enquête publique » sont scandaleuses et sont à l’opposé de sa volonté affichée de promouvoir la « démocratie participative »
En effet, dans un bureau exigu, deux documents, dont l’un de plus 300 pages sans les annexes, sont consultables en présence exigée d’un « Commissaire enquêteur ». Or, il n’est présent qu’une demi-journée par semaine et les consultations doivent se faire de manière individuelle. Autant dire que l’on a organisé intentionnellement l’impossibilité de participer à cette enquête publique.
Saint-Sauveur, les habitants doivent se prononcer par référendum
Les Lilloises et les Lillois doivent se mobiliser pour sauver Saint-Sauveur des grues socialistes. Ce projet démesuré est une folie. Et seule la consultation des habitants de notre ville doit pouvoir trancher de l’avenir de la friche et pas uniquement les décideurs politiques en comité restreint. Un second poumon vert au cœur de Lille est une exigence.
Je serai présent, à la conférence de presse qui se tiendra demain à Lille, Place du Théâtre (ex café Morel) à 11h00 et j’invite toutes les Lilloises et les Lillois à m’y retrouver pour dire NON à ce projet délirant.
Éric Dillies