Mail à Marine Le Pen : "La vraie loyauté consiste à dire la vérité à son chef"
Presse
« La vraie loyauté consiste à dire la vérité à son chef »
Chère Marine,
C’est en famille et entre amis que j’ai suivi ton « Grand Jury RTL » ce dimanche 19 novembre. Au cours de cette émission, tu es revenue plusieurs fois sur la vie intérieure de notre mouvement pour conclure de manière abrupte et définitive : « Tout va bien, Merci ! » Y crois-tu vraiment quand tu questionnes les journalistes : « Qu’est-ce qui irait mal ? » Tout va bien, Marine ? Tout va si bien que cela ?
Tout va si bien que nos cadres nous quittent. Tout va si bien que les ré-adhésions sont en chute libre. Tout va si bien que nos électeurs ont de moins en moins envie de t’écouter lors de tes émissions.
Ce qui est navrant, c’est de faire comme si rien ne s’était passé. Comme si les 20 millions de Français qui ont regardé le débat de l’entre-deux-tours n’avaient jamais existé. Comme si le débat lui-même n’avait jamais existé.
Tes conseillers semblent penser que le temps suffira à tout effacer ! Marine, cette déception amoureuse ne s’effacera qu’avec des preuves d’amour et d’humilité.
Cette preuve d’amour, c’est que tu remettes en jeu ta présidence lors du prochain congrès.
Cette preuve d’amour, c’est que l’élection soit une véritable élection. Pas une simple « nomination » mais une véritable « consécration ».
C’était le sens de mon appel téléphonique du 12 octobre pour te présenter ma candidature. Pourquoi m’obliger à te rappeler que, sur l’instant, tu l’avais approuvée ?
Tu devais me rappeler pour parler des modalités et tu ne l’as jamais fait. Je t’ai relancée le 19 octobre après ton émission sur France 2, en vain.
J’ai donc présenté la mienne le 20 octobre, la veille de la clôture du dépôt des candidatures. Elle a été rejetée par le Bureau Politique du 23 octobre et personne n’a pris la peine de m’en informer.
Marine, poses-toi la question : pourquoi personne n’a osé se présenter au congrès ? C’est pourtant évident, l’élection est tellement verrouillée que personne n’a l’audace de s’y risquer sans penser qu’il en paiera tout le prix. Quant aux parrainages par 20 secrétaires départementaux que tu as nommés, qui va croire qu’ils sont libres de leur décision ? C’est comme si on demandait aux Préfets de parrainer les candidats qui se présentent en face du Président de la République qui les a nommés.
Ta réponse ce dimanche, n’a satisfait personne : « Il n’y a pas eu d’autre candidat à la présidence pour le Mouvement. »
Marine, tu sais que ce n’est pas la vérité puisque je reste candidat et que doit-on penser quand tu rajoutes : « Je le regrette. Je l’ai regretté au dernier congrès (celui de 2014). »
Marine, je ne mets pas en doute ta sincérité, alors si vraiment tu le regrettes, reporte la date de clôture des candidatures. Tu sais mieux que personne que cette décision est réglementaire (c’est-à-dire qu’elle ne dépend que de toi) et non pas statutaire (donc elle ne dépend pas du congrès, c’est-à-dire de l’Assemblée Générale de tous les adhérents), comme le laisse croire le Bureau Politique. Donc, pas besoin d’un congrès pour être modifiée. Si tu le veux vraiment, tu le peux.
Et non seulement tu le peux, mais tu le dois.
Tu le dois à nos militants, nos adhérents qui attendent que nous fassions l’inventaire, l’examen de conscience de la séquence électorale que nous venons de vivre. L’histoire ne s’est pas arrêtée le soir du second tour.
Quelle leçon devons-nous en tirer ?
La base et les cadres de terrain n’ont jamais été écoutés.
Plusieurs mois avant le premier tour des élections présidentielles, de toute la France remontaient des témoignages d’inquiétude sur la sortie de l’€uro. Tu n’en as jamais tenu compte, préférant écouter les conseillers qui t’ont conduite dans l’impasse.
Mais plus grave, les responsables de ce désastre sont partis grâce aux conseils « judicieux » de ton entourage qui ne rêvait que d’une seule chose : prendre leurs places. Résultat, les responsables n’auront pas à s’expliquer et donc, tu seras la seule à porter le chapeau. Tu peux les remercier…
C’est pourtant simple à comprendre : ce n’est pas la stratégie anti-€uro qui a fait monter notre mouvement mais l’arrivée d’une jeune femme à sa tête et une conjugaison d’événements historiques majeurs : une vague d’attentats sans précédents (de Charlie, du Bataclan, de Nice, du Père Hamel et de bien d’autres), un « déferlement » migratoire que l’Europe n’a pas connu depuis la chute de l’Empire Romain et un chômage de masse digne des années 30 qui ronge la société.
C’est cette évidence que la direction s’est refusée de voir.
Aujourd’hui, contrainte de réviser tes choix, tu appelles à la « Refondation ».
Au moment même où Wauquiez le découvre, tu redécouvres l’ADN de notre mouvement.
Au moment où les Français reconnaissaient la pertinence et la réalité des analyses de ton père, tu abandonnais les « Fondamentaux », son ADN, alors que c’était de la subtilité et de la jeunesse qu’il fallait y apporter.
Mais une chose malheureusement n’a pas changé : les méthodes de Management, toujours les mêmes, verticales, autoritaires, à sens unique du haut vers le bas.
C’est pour cela que le questionnaire que tu imposes n’est pas un dialogue avec la base, mais un énième monologue avec tes « conseillers ». Quasiment toutes les questions sont fermées et n’autorisent qu’une réponse par « oui » ou « non ».
Marine, ce n’est pas la base qui a perdu les élections, alors pourquoi la sanctionner ? Ce qui te les a fait perdre, c’est de ne pas l’avoir écoutée. D’ailleurs, pourquoi avoir nommé des « ambassadeurs » pour te représenter auprès des adhérents ? Sont-ils des étrangers ?
Cela en dit long !
Marine, ouvre les yeux !
Notre mouvement traverse une crise sans précédent dans son histoire. Certes, il a connu celle de 1998, puis celle de 2007, mais aucune d’elle ne remettait en cause son existence aux yeux des adhérents et des militants.
Face à cela, tu affirmes : « En nous positionnant au second tour des élections présidentielles, les Français ont dit que non seulement les idées du Front National sont l’opposition à Emmanuel Macron, mais elles sont le projet alternatif crédible à la politique d’Emmanuel Macron. » Tu oublies une chose, sans l’aide du Parquet National Financier, tu n’aurais probablement pas été au second tour. Un peu plus de 300 000 voix seulement te séparent de François Fillon alors que quelques mois plus tôt tu arrivais en tête des intentions de vote à près de 30 %.
Comme je l’ai dit dans ma première lettre : « Alors que tout nous donne raison aujourd’hui, comment se fait-il que nous ne soyons pas majoritaires dans le pays ? » Comment se fait-il que notre mouvement, qui a été à l’initiative du soulèvement populaire en Europe contre la disparition de notre identité et contre les effets destructeurs de la mondialisation, soit aujourd’hui à la traine ?
Plus que jamais, notre mouvement a besoin d’un débat ouvert, d’un dialogue libre et sans crainte, d’un échange loyal et sincère.
La condition de cette sincérité, c’est la présence d’au moins deux candidats, et pourquoi pas trois ou quatre d’ailleurs.
C’est la chance pour toi de retrouver la confiance de nos militants et de nos adhérents.
C’est la chance pour toi d’ouvrir les fenêtres de notre mouvement, d’y apporter le vent frais de l’intelligence et de la liberté à tous les étages.
Pourquoi, dès lors, attendre 2021, comme tu le proposes pour accomplir cette œuvre salutaire et nécessaire ?
C’est maintenant qu’il faut préparer notre mouvement pour l’échéance de 2022.
C’est maintenant qu’il faut avoir avec les Français cet échange constructif qui libérera les énergies.
C’est maintenant et non quelques mois avant cette échéance aussi cruciale qu’il faut bâtir notre projet pour la France.
Je sais que le message est rude, mais tu ne m’as guère laissé le choix.
C’est le message d’un homme qui milite depuis plus de trente ans au Front National et à qui tu as demandé en 2007 de t’aider à reconstruire le mouvement.
J’étais à tes côtés et je suis toujours à tes côtés.
Fais-moi confiance, Marine.
Tu sais bien que je n’ai rien à gagner en faisant ça et c’est pour cela que tes proches ne l’ont pas fait : ils avaient trop à perdre.
Marine, « La vraie loyauté consiste à dire la vérité à son chef. » Ainsi, s’exprime le Général de Villiers dans son dernier ouvrage relatant ses relations avec le Président de la République. Il ajoute : « La véritable liberté est d’être capable de le faire, quels qu’en soient les risques et les conséquences. » Il poursuit : « La vraie obéissance se moque de l’obéissance aveugle. C’est l’obéissance d’amitié. »
Marine, tends la main à tes militants et à tes adhérents et donne-leur la parole.
Ouvre les fenêtres et laisse entrer l’air frais de la liberté et de l’intelligence.
Ils t’en seront infiniment reconnaissants.
Amicalement,
Eric