Budget : Méfiez-vous Madame Aubry, la Roche Tarpéienne est proche du Capitole

Conseil municipal de Lille

Madame le Maire,
Mes chers collègues,

Une fois, de plus, le rapport d’orientations budgétaires se noie dans les détails et masque les vérités essentielles, à savoir, une situation budgétaire communale catastrophique et un manque cruel d’ambition pour l’avenir.
S’il est vrai qu’il y a une légère reprise de la croissance, notre pays a des performances économiques qui le mettent en queue de peloton des pays de la zone euro. La croissance moyenne de ceux-ci devrait dépasser les 2% en 2017 alors que la nôtre se stabilise à 1,3%, bien loin derrière les Etats-Unis malgré Donald Trump et derrière le Royaume-Uni malgré le Brexit.
Mais surtout, le R.O.B passe sous silence l’énorme dette de nos finances publiques qui dépasse aujourd’hui les 2000 milliards d’euros, soit près de 100 % de la richesse produite. Il est évident que la contribution des collectivités locales au redressement financier de la France n’est pas près de s’arrêter.
Malgré l’amélioration mesurée de la conjoncture économique, le rapport doit reconnaître que le nombre de demandeurs d’emploi continue de progresser à Lille, soulignant l’incapacité pour l’exécutif de cette ville de définir une véritable politique économique d’accompagnement de nos entreprises.

D’autre part, il édulcore une situation budgétaire catastrophique caractérisée par une dette énorme qu’aucun effort ne tente de redresser. Vous vous contentez de la maintenir à son niveau actuel en appelant habilement cela « stabilité » alors qu’il s’agit en réalité « d’immobilisme ». L’encours de la dette en 2016 était de 396 millions d’euros. Le rapport prévoit un encours voisin de 390 millions d’euros pour 2018. A ce rythme, quand aurons-nous un réel désendettement ?

La réalité de la situation budgétaire explique votre manque d’ambition pour l’avenir. En effet, il se manifeste d’abord par une chute brutale admise des investissements. Les dépenses d’équipement réalisées sont passées de 84,5 millions d’€ en 2014 à 70 millions cette année et la prévision 2018 est de 65 millions d’€, soit une baisse de 30 % en 4 ans. Pourtant, les taux d’intérêt n’ont jamais été aussi bas dans l’histoire, et personne ne peut affirmer que cela durera encore longtemps. C’est d’autant plus incompréhensible que vous reconnaissez vous-mêmes que les efforts de transition énergétique mentionnés dans le rapport sur le développement durable à Lille pourtant si nécessaires seront difficiles à financer.

A juste raison, vous vous félicitez des très faibles taux d’intérêt, mais vous vous réjouissez en même temps d’avoir près de 44 % de la dette à taux variable, ce qui abaisse les frais financiers dans l’immédiat, mais qui en cas de retournement des taux d’intérêt, serait une catastrophe pour nos finances municipales.

Votre manque d’ambition pour l’avenir se manifeste également par l’absence de tout objectif d’assainissement des finances de la ville. Pourtant les ressources demeurent globalement stables et vous reconnaissez même un certain « dynamisme » des recettes fiscales. Dans un tel contexte, un effort de réduction des dépenses aboutirait rapidement à une augmentation de l’épargne brute.
C’est à l’évidence l’augmentation de celle-ci qui doit être recherchée car elle seule permettrait de limiter la baisse dommageable des investissements et de désendetter progressivement la commune, comme l’a démontré Steeve Briois à Hénin-Beaumont.

Or, vos orientations budgétaires préconisent exactement le contraire : les dépenses de fonctionnement augmenteront encore de 1,2 % l’année prochaine. Avec une telle prévision, l’épargne brute ne peut qu’au mieux se stabiliser à 41,8 millions d’€ en 2018, quand l’épargne nette plonge de 34,6 millions à 14,3, soit une baisse de 241 %. Sans les 8 millions d’€ de cessions de notre patrimoine prévus l’année prochaine, aurions-nous encore la capacité d’autofinancer une partie de nos investissements ?
Par manque de volonté et par clientélisme, vous faites des contribuables les victimes de vos choix budgétaires. Comme chaque année, vous proclamez contre tout bon sens qu’ils payent très peu d’impôts et bientôt trop peu d’impôts. Cela évite de vous attaquer à la réduction des effectifs de la ville qui explique à elle seule l’augmentation des dépenses de fonctionnement. L’année prochaine, il est prévu d’économiser 12 postes sur 4268 agents, soit une baisse de 0,2 % du personnel à comparer avec la baisse de 30 % des investissements dans l’équipement.

La Cour des Comptes et ses homologues régionaux insistent pourtant depuis des années sur la nécessité de diminuer les effectifs dans les collectivités locales. La Communauté Urbaine de Lille, aujourd’hui la MEL, a été créée pour assumer des compétences transférées en vue de mutualiser les personnels et donc de faire des économies. 2500 emplois ont été créés à la strate supérieure, aucun n’a été supprimé à Lille…

Evidemment, il ne s’agit pas de licencier à tour de bras. C’est non seulement impossible de par le statut des agents mais aucunement souhaitable. En tenant compte, simplement, des départs à la retraite et des mutations, soit environ 100 à 150 agents par an, il est possible, en réorganisant les services et en redéfinissant les missions d’augmenter la productivité des agents et d’améliorer leur bien-être aussi, ce qui est primordial. Un agent qui trouve dans sa mission le sens et la joie, travaille plus et mieux.

Cela fait trois ans que je vous demande de créer une commission d’évaluation des missions de nos services publics communaux. En vain, je l’avoue, mais pas désespérément. Vous êtes une femme intelligente, Madame Aubry, bien plus que moi, mais vous pensez toujours être la seule à avoir raison.
La pédagogie étant l’art de la répétition, je ne désespère pas de vous convaincre, comme sur la police municipale, de changer d’avis pour le bien de la commune et des contribuables Lillois qui verront enfin leurs impôts locaux baisser.

D’abord, cela donnera une véritable visibilité à vos orientations budgétaires et ce sera plus efficace que la « campagne de pub » de samedi dernier dans la Voix du Nord pour repartir aux municipales.

Vous êtes aujourd’hui sur un petit nuage, Madame Aubry.
Mais méfiez-vous, la Roche Tarpéienne est proche du Capitole.
Vos fidèles peuvent en témoigner.

  • Le vendredi 8 décembre 2017